L'Observatoire du Patrimoine Ornithologique de Lorraine et du
Luxembourg a pour objectif principal de mesurer les variations au cours
du temps des effectifs des populations d'oiseaux nicheurs de Lorraine
et du Luxembourg. Un objectif secondaire de cet outil est de fournir
une estimation, sans doute imprécise, mais homogène dans
le temps des effectifs des populations d'un maximum d'espèces.
L'analyse de l'évolution combinée de ces deux
paramètres, outre leurs significations propres, permettra par
ailleurs de réévaluer régulièrement les
statuts de conservation des oiseaux de Lorraine définis en 1998.
Le choix d'une méthode de dénombrement
susceptible de répondre à ces attentes a
été largement conditionné par les nombreuses
contraintes induites par le type d'objectifs et le territoire sur
lequel ils étaient recherchés. Un programme
régulier de dénombrements à cette échelle
nécessitait de retenir une méthode de travail
suffisamment fiable pour obtenir les résultats escomptés
tout en présentant un maximum de facilité de mise en
œuvre dans l'intérêt de la pérennité
du programme. Les moyens humains disponibles pour mettre en œuvre
cette méthode constituaient également une contrainte
importante entrant pour une part non négligeable dans les
critères de sélection de la méthodologie.
1 - CHOIX DE LA METHODE DE DENOMBREMENT
Les différentes méthodes d'inventaire de
l'avifaune ne produisent pas toutes les mêmes types de
résultats et ne sont pas interchangeables. Certaines d'entre
elles peuvent produire des données essentiellement qualitatives
à différentes échelles alors que d'autres
fournissent des dénombrements pratiquement exhaustifs, mais ne
peuvent être mises en œuvre que sur de petites superficies
et moyennent un investissement lourd en temps. La méthode de
travail doit donc être sélectionnée en
priorité sur la base du type de résultats que l'on
recherche puis sur sa faisabilité au regard des moyens
disponibles.
La méthode recherchée pour réaliser ce
programme doit donc :
- prendre en compte le plus grand nombre possible
d'espèces se reproduisant en Lorraine et au Luxembourg.
- fournir une estimation fiable de l'évolution des effectifs de
ces espèces à moyen terme et long terme sur ce même
territoire (Lorraine et Luxembourg).
- fournir une estimation acceptable des niveaux de population de ces
espèces sur le territoire considéré.
Ces deux premières exigences impliquent que la
méthode retenue puisse :
- être mise en œuvre de façon à
assurer une couverture représentative et homogène du
territoire.
Il est par ailleurs nécessaire que cette
méthode :
- permette d'obtenir des résultats sur un vaste
territoire (Lorraine / Luxembourg) dans des délais acceptables
(une saison de reproduction).
- puisse être mise en œuvre par un nombre "limité"
d'observateurs.
- soit facilement reproductible d'une année à l'autre.
Enfin, afin de pouvoir comparer d'une part et ajouter d'autre
part les résultats de ce programme à ceux obtenus dans
d'autres régions et au niveau national il était
indispensable que la méthode retenue soit :
- compatible avec celle des EPS choisie par le C.R.B.P.O.
pour relancer le programme STOC au niveau français
Parmi les différentes méthodes de
dénombrement utilisables, celles des Indices Ponctuels
d'Abondance et des EPS semblaient les plus à même de
satisfaire les attentes de ce programme. Toutefois l'observatoire
cherche :
- à identifier les variations d'effectifs du plus
grand nombre d'espèces possible parmi celles se reproduisant en
Lorraine et Luxembourg
- à obtenir une estimation des effectifs des populations d'un
maximum d'espèces
alors que le programme STOC s'adresse principalement aux
espèces communes.
Or, l'allongement de la durée de dénombrement
de 5 (méthode des EPS) à 20 minutes (méthode des
IPA), au vue d'une étude effectuée sur 50 points
d'écoute le long de la Meuse en 2001 (LPO, à
paraître), semble augmenter la fiabilité des
résultats obtenus ainsi que les probabilités de contacts
avec un nombre plus élevé d'espèces (Fig.1).
Fig. 1
Ces résultats montrent que même si d'une
façon générale, plus de 60% des espèces
sont observées durant les 5 premières minutes, les 15
dernières minutes apportent encore 40% d'espèces
nouvelles. Ceci justifie pleinement le choix des IPA par rapport
à l'un des objectifs de l'Observatoire qui est bien de
travailler sur un maximum d'espèces.
Ces exigences et ces caractéristiques de la
méthode des IPA nous ont donc conduit à retenir cette
dernière technique pour le programme Observatoire, tout en
recherchant une compatibilité la plus grande possible entre les
deux programmes évoqués ici.
2 - LA METHODE DES IPA
2.1 - Les IPA
La méthode des Indices Ponctuels d'Abondance a
été élaborée et décrite par Blondel,
Ferry et Frochot en 1970 (1).
Cette méthode consiste, aux cours de deux sessions
distinctes de comptage, à noter l'ensemble des oiseaux
observés et / ou entendus durant 20 minutes à partir d'un
point fixe du territoire. Tous les contacts auditifs ou visuels avec
les oiseaux sont notés sans limitation de distance. Ils sont
reportés sur une fiche prévue à cet effet à
l'aide d'une codification permettant de différencier tous les
individus et le type de contact (chant, cris, mâle, femelle,
couple...). Sur la fiche de relevé, le point ou station peut
être matérialisé par un cercle dont le centre est
virtuellement occupé par l'observateur. Ce système de
notation à l'intérieur d'un cercle facilite le
repérage spatial des individus contactés.
A la fin de chaque session de dénombrement, le nombre
d'espèces et d'individus de chacune d'elles est totalisé
en nombre de couples.
Le dépouillement des 2 sessions de
dénombrements permet d'obtenir :
- le nombre d'espèces noté sur le point,
ainsi que l'identité des différentes espèces
- l'Indice Ponctuel d'Abondance de chacune des espèces
présentes. Cet indice s'obtient en ne conservant que la plus
forte des 2 valeurs obtenues pour chaque espèce pour l'une ou
l'autre des 2 sessions de dénombrement. Ainsi, si lors du
premier comptage, 5 couples de Mésanges charbonnières ont
été notés et 2.5 couples lors du second, l'IPA de
cette espèce pour la station et l'année
considérée sera égal à 5.
Les 2 sessions de dénombrement doivent être
réalisées strictement au même emplacement, qui aura
été préalablement repéré
cartographiquement à l'aide de GPS.
La première, réalisée en début de
printemps permet de prendre en compte les espèces
sédentaires et les migratrices précoces. La seconde
réalisée plus tard en saison permet de dénombrer
les migrateurs plus tardifs.
Les comptages doivent être effectués par temps
calme (les intempéries, le vent et le froid vif doivent
être évités), durant la période comprise
entre 30 minutes et 4 à 5 heures après le lever du jour.
2.2 - Compatibilité avec la méthode des EPS
Les dénombrements réalisés par la
méthode des IPA sont conduits au cours de sessions de 20 minutes
chacune.
Au niveau national, le C.R.B.P.O.
a choisi de relancer le programme STOC en conservant la méthode
des EPS qui est identique à celle des IPA mais conduite sur une
durée de 5 minutes seulement.
L'utilisation dans le cadre de ces deux programmes d'un protocole
identique de mise en œuvre de deux techniques de
dénombrements semblables dans leur conduite (EPS et IPA), permet
d'obtenir une très grande compatibilité entre les deux
modes de travail. Toutefois afin que les résultats soient
comparables entre eux et analysables dans un échantillon commun,
le cas échéant, il était nécessaire
d'adapter le mode de relevé des données de terrain
prévu pour l'Observatoire. Ainsi, lors des dénombrements
de 20 minutes, les données recueillies durant les 5
premières minutes seront individualisées de celles des 15
dernières. Ainsi, pour toutes analyses réalisées
dans le cadre ou en lien avec le programme STOC, seules les 5
premières minutes de l'observatoire seront utilisées. En
revanche, dans le cadre des analyses liées à
l'observatoire, il ne sera pas tenu compte de cette distinction.
3 - PROTOCOLE GENERAL DE MISE EN ŒUVRE
Parmi les critères importants de sélection de
la méthode de dénombrement figurait que cette
méthode puisse être mise en œuvre de façon
à assurer une couverture représentative et
homogène d'un territoire très vaste (de l'ordre de
plusieurs régions administratives) et dans des délais
relativement courts (une saison de reproduction). Si la méthode
des IPA est effectivement à même de répondre
à ces attentes, la satisfaction de ces exigences
dépendait également très largement de la
façon dont cette technique serait mise en œuvre. C'est en
effet en grande partie le mode de distribution et le nombre des
stations de relevés au sein du territoire d'étude qui
détermine si l'échantillonnage ainsi
réalisé en est représentatif ou non.
En accord avec ces exigences et le mode de mise en
œuvre du programme STOC, les stations de relevés sont
réparties par lots au sein du territoire d'étude. Ces
lots sont matérialisés par des carrés de 2 km de
côtés, soit 4 km 2. Chacun d'entre eux regroupe 10
stations de relevés.
Afin d'assurer une représentativité
relativement fiable du territoire, une première
répartition des carrés à été
réalisée au sein des grands ensembles
géomorphologiques de la Lorraine et du Luxembourg,
proportionnellement à leurs superficies respectives (fig.2-1).
Au sein de ces ensembles, les carrés ont ensuite
été répartis de façon aléatoire
selon 2 séries de tirages:
- la première correspond aux carrés
attribués aux observateurs s'étant fait connaître
comme souhaitant participer à l'observatoire. Cette série
comprend un nombre de carrés égal au nombre
d'observateurs multiplié par le nombre de carrés que
chacun d'entre eux compte réaliser.
- La deuxième série correspond au nombre
complémentaire de carrés permettant d'atteindre
l'objectif fixé pour l'Observatoire de 60 carrés pour la
Lorraine et de 14 carrés pour le Luxembourg.
Pour la première série, chaque carré a
été sélectionné aléatoirement au
sein d'un périmètre de 10 km de rayon autour d'une
commune sélectionnée par chaque participant. Pour la
seconde, les carrés ont également été
choisis aléatoirement, mais au sein des carrés possibles
restants et n'ayant encore eu aucune chance (ou probabilité)
d'être retenus lors du tirage aléatoire de la
première série. Ces carrés identifiés et
peu nombreux, ne représentent qu'une faible proportion de
l'ensemble des 60 carrés. Des tests réalisés
ultérieurement permettront de vérifier qu'ils ne sont pas
à l'origine de variations susceptibles de masquer celles
recherchées dans le cadre de l'Observatoire.
Pour les 2 séries, une deuxième localisation a
été tirée pour chaque carré, selon un mode
identique au tirage aléatoire de la première
localisation. La seconde localisation est utilisée comme
solution de rechange dans le cas ou la première
s'avèrerait inutilisable (carré situé dans une
propriété entièrement close, dans un terrain
militaire, un aéroport, un étang…. La distribution
obtenue pour les 60 carrés lorrains et les 14 carrés du
Luxembourg est présentée respectivement sur la fig. 2.2
et la fig. 2.3.
Fig 2-2 :
Répartition des zones de relevées pour la région
Lorraine
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à venir
Fig 2-3: Répartition des zones de relevés
pour le Luxembourg.
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Cliquez sur les cartes pour les agrandir.
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Ce mode de répartition aléatoire des stations
de dénombrement s'avère tout à fait satisfaisant.
En effet, un test réalisé par le C.R.B.P.O.
fait apparaître une très bonne corrélation
(R²=0.9855) entre les habitats (au sens Corinne Land Cover)
présents en Lorraine et ceux représentés au sein
des 60 carrés lorrains (fig. 2-4).
Par ailleurs, cette distribution aléatoire des
carrés permet d'obtenir des données
représentatives qui peuvent être
interprétées indépendamment d'éventuelles
modifications des habitats. Elle permet également d'extrapoler
les résultats obtenus à des échelles de surfaces
beaucoup plus importantes (à l'échelle de la
région donc), pour des même types d'habitats.
3.1 - Nombre et distribution des stations de
dénombrement au sein des carrés
3.1.1 - Nombre de stations de dénombrement par IPA
et par EPS
Une première approche empirique a été
basée sur les grands types de milieux à
échantillonner et sur les moyens humains disponibles. Elle a
permis de fixer à 300 le nombre de stations de relevé par
la méthode des IPA qu'il semblait nécessaire et possible
de renseigner au cours d'une même saison de reproduction pour la
Lorraine et à 35 pour le Luxembourg.
3.1.2 Mode de distribution des stations de relevé
au sein des carrés
Conformément au protocole de mise en œuvre du
programme STOC, les stations de relevés ont été
regroupées par lots de 10. Chacun de ces lots a
été inclus dans un carré de 2 km de
côté (soit 4 km2). Pour des raisons de temps
nécessaire à leur réalisation, il n'était
pas possible de grouper les stations IPA par 10 au sein d'un même
carré. Aussi, afin de conserver la plus grande similitude entre
les deux programmes, aux 5 stations de relevés par IPA, ont
été ajoutées 5 stations de relevé par EPS
pour chaque carré. Cet ajout de stations de dénombrement
permet de conserver au sein de chaque carré une pression
d'observation identique à celle fixée dans le cadre du
programme STOC, et réalisable au cours d'une même
matinée.
Au sein de chaque carré, les 10 stations de
relevé doivent être réparties de façon la
plus homogène possible, tous en assurant la couverture d'un
maximum des habitats présents au sein de chaque carré.
Les stations de dénombrements doivent être distantes d'un
minimum de 300 m et leur positionnement est laissé à la
charge des observateurs. Chaque observateur veillera à ce que
chaque station de relevé par IPA soit positionnée dans
des habitats différents et les plus représentatifs des
carrés. Les EPS seront disposés de manière
à obtenir une répartition homogène des points.
3.2 Mise en œuvre sur le terrain.
Globalement, la première session de
dénombrement doit être effectuée entre le 1er avril
et le 8 mai et la seconde entre le 9 mai et le 15 juin. Toutefois des
adaptations doivent être réalisées afin de tenir
compte de la position relativement septentrionale de la Lorraine et du
Luxembourg. Ainsi, pour ces régions, une quinzaine de jours de
décalage peut être envisagée, ainsi que pour les
zones de montagne.
Un intervalle minimum doit être respecté entre
les deux passages. Un délai de 4 semaines est idéal mais
demeure souvent difficile à respecter. Il est en particulier
largement conditionné par la météo durant la
période de terrain. Les deux passages seront effectués
aux même dates chaque année.
Au sein de chaque carré, les stations devront
être effectuées tous les ans dans le même ordre en
veillant à alterner station IPA et EPS au cours d'une même
matinée. L'ordre établi doit être conservé
entre le premier et le deuxième passage. L'ordre du parcours
devra donc être établi afin de perdre le moins de temps
possible tout en respectant ces contraintes.
Les carrés étant tirés
aléatoirement, ils pourront être abandonnés et
remplacés par d'autres en cas de raison valable. Cependant, un
ornithologue souhaitant augmenter son nombre de carré de
prospection ou simplement intégrer le programme après
démarrage de celui-ci, se verra proposer en priorité les
carrés abandonnés.
Pour chaque station IPA ou EPS, une fiche d'habitat sera
renseignée chaque année. Celle-ci permettra de suivre
l'évolution de l'habitat parallèlement à celle de
l'avifaune et éventuellement d'identifier des liens de cause
à effet.
_________________
(1) Blondel, Ferry, Frochot; 1970.
Méthode des Indices Ponctuels d'Abondance (IPA) ou des
relevés
d'avifaune par stations d'écoute. Alauda, vol 38 pp. 55-70.
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